Figures de style chez Marcel Duchamp [9/2]

9/2 MÉTAPHORES

& FIGURES DE STYLE CHEZ MD 

« Pratiquement toutes les interventions de Duchamp peuvent être définies comme des variations apportées à un stéréotype linguistique figé (cliché, aphorisme, proverbe, dicton, etc.), qu'il soit apparent ou occulté. Il suffit, ici comme ailleurs, de « distendre un peu les réalités physiques et chimiques ».
Michel Sanouillet
Initiation Duchamp du signe champs arts p. 157-164


Reprendre la définition complète du terme métaphore [1] semble une bonne solution pour commencer à comprendre que Marcel Duchamp a toujours fonctionné avec une métaphore d’avance, visuelle ou textuelle.

Procédons par exemples :
  1. La chute d’eau dans Etant donnés…, ou celle qui fait tourner la roue à aube dans le Grand Verre désigne le jaillissement créatif [La métaphore désigne une chose par une autre qui lui ressemble ou partage avec elle une qualité essentielle].
  2. La spirale : l’escalier à vis du « nu descendant un escalier », les différentes versions des rotoreliefs et autres …, la pente d’écoulement dans le « Grand verre » est une métaphore de la pesanteur [La comparaison affirme une similitude tandis que la métaphore la laisse deviner. La comparaison est explicite. Au contraire, dans la métaphore, l'auditeur ou la lectrice doivent reconstituer le sens.]
  3. Les différents nus (descendant l’escalier, dévoilé et squelettique dans le Grand verre, allongé dans Etant donnés…, etc.) sont la métaphore du devenir de l’œuvre d’art. Ils sont toujours associés à un système, à un contexte imagé. [Le contexte est nécessaire à la compréhension de la métaphore. La métaphore étant une figure de l'ambiguïté, le contexte laisse un vaste champ possible d'interprétations, en raison, d'une part, de la disparition des mots supports, et d'autre part à cause de la connotation.]
  4. La métaphore chez MD. n’est jamais un cliché. La métaphore n’est pas triviale en elle-même (un nu n’est pas un nu) mais évoque la trivialité. [Une métaphore courante est un cliché]
  5. Un maximum de tropes chez Marcel Duchamp, dans sa prose ou dans ses images. [La métaphore est un trope, c’est à dire une figure qui consiste à détourner un mot de son sens habituel ou propre.]
  6. Les différentes métaphores de Marcel Duchamp ne sont pas directement explicites ; elles sont codées par le nominalisme qu’il met en place. Une fois ce nominalisme décodé, les métaphores jaillissent. [La métaphore est un procédé rhétorique doté d'une portée argumentative, c'est-à-dire qu'elle vise à rapprocher l'opinion de l'auditeur de celle de l'orateur. Elle suppose la coopération des auditeurs, et des enjeux de persuasion et conviction.]
  7. « Prière de toucher » (sein en caoutchouc apposé sur la jaquette d’un catalogue d’exposition) est une des différentes métaphores de l’inframince : injonction triviale de toucher l’image d’un sein, je touche ou je ne touche pas, dès que je l’aurai touché, l’image changera de statut, etc. [L’intérêt de la métaphore est d'attribuer au sens du terme qu'elle décrit certaines nuances, et pas n'importe lesquelles, qui appartiennent au terme qu'elle lui accole et qu'une simple comparaison ne pourrait expliciter. Ces nuances, ou sèmes, ajoutent du sens au langage. Elle active la polysémie.]
  8. L’inversion de genre souvent répétée (« fountain » ou l’usage de « Rrose sélavy » ou « coin de chasteté », l’image répétée de « la mariée mise à nu », etc. sont des allégories. [L’allégorie rend concrète une idée abstraite. Une allégorie est souvent une métaphore poursuivie dans la longueur d'un texte.]
  9. Le diagramme complet de « la mariée mise à nu par ses célibataires même » est soumis à de multiples interprétations, de multiples strates métaphoriques. (voir schéma) [On ne peut pas dire qu'une métaphore soit vraie ou fausse : son interprétation dépend du récepteur. La métaphore s’oppose en cela au discours scientifique qui doit être réfutable, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir prouver qu'un énoncé est soit vrai, soit faux. La métaphore aide à conceptualiser ce qui ne peut pas être compris par la désignation et relevant notamment des sentiments et de la pensée.]
  10. Parfois les métaphore s’enchâssent : l’usage du verre est une métaphore de l’inframince, inframince étant une allégorie de l’espace-temps du passage d’un état à un autre. [La métaphore exprime « l'énigmatique : ce qu'elle dit ne peut être pris au pied de la lettre. Elle est une façon de dire le problématique au sein du champ propositionnel]
Les images et les textes, dont Marcel Duchamp use de la même manière métaphorique, sont des « figures » (en linguistique, des tropes), des figures de style d’autant plus variées qu’il utilise toute la gamme, de l’allégorie à la métonymie en passant très souvent par la synecdoque.

L’allégorie
« l’allégorie (en général) est une application de l’infra mince »
Marcel Duchamp, note, boite verte 1934
allégorie d'oubli, note - 1912 - 11968

Il s'agit d'une figure de style qui consiste à représenter de façon imagée, en la matérialisant par un élément concret, une idée abstraite. C’est une description ou un récit de situations familières et concrètes dont on peut tirer, par analogie, un enseignement abstrait, en général religieux, psychologique ou moral. On définit généralement l’allégorie en la comparant au symbole, dont elle est le développement logique, systématique et détaillé. L’allégorie est un miroir, au sens ancien [2] et au sens moderne, illustré par le mythe de Narcisse et celui toujours en cours du miroir des vanités. Marcel Duchamp ne s’est pas privé d’utiliser ce ressort imagé de l’allégorie comme miroir en de nombreuses occasion, du miroir noir en cuir ciré de la « fenêtre » de "Fesh window" aux reflets du « Grand verre », du « renvoi miroirique » dans ses notes au cliché photographique "portrait multiple" de 1917.

Fesh window - 1920
Portrait multiple 1917

La figure allégorique, telle que la pratique Marcel Duchamp, consiste mettre en scène une « signification cachée » sous la forme plastique sensible d’un langage imagé.
Le principe même de l’allégorie est de pratiquer un certain décalage entre ce qui est dit et ce qui est signifié. C’est une superposition plus savante encore que celle du sens propre et du sens figuré. La forme la plus courante de l’allégorie, la personnification (qui représentaient à l’origine les forces naturelles par des divinités plus ou moins anthropomorphiques), est utilisée par Marcel Duchamp pour représenter les forces sociales en œuvre dans le processus d’accession d’un objet d’art au statut d’œuvre d’art. Les « moules malics » de « la mariée mise à nue par ses célibataires même », autrement appelés les célibataires en sont le meilleur exemple.

9 moules malics, travail préparatoire au "Grand verre", 1914-15

Marcel Duchamp utilise l’allégorie au sens plein et historique du terme, telle qu’elle était en usage au Moyen-âge, comme dans le « Roman de la Rose » de Guillaume de Lorris (vers 1230). [3]

Dans « La mariée mise à nue par ses célibataires même », Marcel Duchamp utilise une double allégorie sexualisante et mécanisante. Ces allégories visent à nous décrire le mécanisme quasi automatique de l’accession d’un objet d’artiste au statut d’une œuvre d’art.
Ces allégories sont utilisées :
  • dans le « Grand verre » — c’est le mode d’emploi (à l’égal des notices de montage IKEA) de ce changement de statut ;
  • dans les « notes de la boite verte » — c’est le discours textuel du déploiement de l’allégorie ;
  • dans les readymades, — ce sont des fragments de la démonstration, sous forme de synecdoques — une partie qui évoque le tout. (voir plus loin)
Si on reprend l’ensemble des termes que Marcel Duchamp emploie et met en image dans le « Grand Verre », on peut synthétiser la forme allégorique générale, visuelle et textuelle.
« Dans « La mariée mise à nue par ses célibataires même », dans la partie supérieure, le « domaine de la mariée », la fin du processus nous montre une œuvre d’art personnifiée sous le nom de « Mariée ». Elle prend l’apparence d’une « guèpe » composée de formes variées et articulées. Cet état est précédé par toute une série d’actions anthropomorphes et mécanistes :
  • La transformation d’un « objet d’artiste » en « œuvre d’art » se fait sous l’action de la postérité. Le souffle de la postérité, c’est le voile de la mariée nommée également « la voie lactée ». Une fois que le souffle de la postérité est passée, c’est à dire que l’objet d’artiste accède au rang d’œuvre d’art, la mariée est donc « dévoilée », « mise à nu ».
  • La postérité s’acquiert souvent après la mort. « Les 9 tirés », neufs trous pratiqués dans le support en verre de l’œuvre, évoquent la passage, parfois violent, de la vie à la mort.
  • Dans la partie inférieure, dans le « domaine des célibataires », Les artistes et la production de l’objet d’art sont représentés par un ensemble mécanique avec une « broyeuse de chocolat, une roue à aube, un chariot ».
  • Ceux qui, par leur choix, donc leur regard sur l’objet d’artiste, permettent de le faire accéder au rang d’œuvre d’art, sont appelés « célibataires » et personnifiés sous forme d’uniformes, de « moules malics ».
  • Leur regard, qui déclenche le processus de transformation de l’objet d’artiste en œuvre d’art est représenté sous forme de « tubes capillaires » qui transportent le « gaz d’éclairage » vers des « tamis » qui, par leur « poussière à l’envers », se liquéfie et, par une « pente d’écoulement » en « spirale » vient inséminer l’objet d’art. Autrement dit, le « gaz d’éclairage » est le vecteur du regard des regardeurs ; ce regard positif transforme le gaz en liquide fécondant qui vient remplir un récipient (l’objet d’art).
  • De l’objet d’art inséminé jaillissent des « éclaboussures » qui remontent vers le « domaine de la mariée » et, par passage au travers des « témoins oculistes », dans un jeu de « renvoi miroirique », passe à la postérité. Autrement dit, l’objet choisi, regardé à la loupe par les critiques et les medias photographiques, est confronté au jeu « onaniste » de la vanité — avant même sa mort, ce n’est pas l’artiste qui a choisi, c’est le regardeur. Le processus est parachevé par le phénomène de « postérité ».
[voir ici conférence Marc Vayer, à 7 : 06 mn]
Allégorie de la caverne
[Le terme inframince — que Marcel Duchamp a utilisé comme concept, celui de l’espace-temps où/pendant lequel une situation, un statut peut basculer d’un état à l’autre] s’associe aussi chez Duchamp à l’allégorie et c’est là que, quittant l’ordre du phénomène d’un sensible lié au corps, on atteindrait par l’imagination un phénomène suprême de l’esprit où l’ordre (de causes à effets) serait duel et réflexif. L’ombre, la transparence, l’infime, la fumée, la légèreté, la caresse sont « inframinces » dans la perspective duchampienne, mais comme « l’allégorie (en général) est une application de l’infra mince », ils deviennent aussi images, signes, apparences, métaphores, disparitions.
Elvan Zabunyan STRIPTEASE : DÉSARTICULER DUCHAMP PAR LE GENRE
« Cahiers philosophiques » 2012/4 n° 131 | pages 64 à 82

Nous allons juste noter dans cet article, le parallèle criant de l’installation « Etant donnés 1° la chute d’eau 2° le gaz d’éclairage » avec la représentation que l’on peut réaliser de l’allégorie de la caverne du texte de Platon. Lire PDF qui suit :


Allégorie de genre
 
Allégorie de genre, portrait de Georges Washington pour le magazine Vogue ; cette allégorie – qui intégrait le portrait de Washington à une carte et à un drapeau des États-Unis – était fabriquée avec une serviette hygiénique tachée. Ayant appartenu à André Breton, elle figure dorénavant au Musée Beaubourg.

George Washington, allégorie de genre 1943 - 1944

Ce petit tableau représente à la fois la carte de l’Amérique et le profil du fameux président et destiné à la couverture du numéro spécial «Americana » prévu pour l’anniversaire de l’indépendance américaine. Refusé par la rédaction : il était, en effet, totalement en décalage avec la ligne graphique extrêmement clean et glacée du magazine féminin. Un an plus tard l’image refusée fut publiée dans la revue d’André Breton VVV.
On comprend dès lors que c’est ce déroulement historique intelligemment scénarisé que l’objet a déclenché, et non cet objet seul, qui justifie son titre : « allégorie de genre ». Parce qu’il fut refusé par les uns puis réhabilité par les autres, il est une métaphore de toute œuvre d’art moderne, une allégorie de genre.
voir [COD] George Washington, allégorie de genre 1943
 
La synecdoque

Marcel Duchamp, une fois posée son allégorie principale, va user très souvent de la synecdoque (c’est un système d’équivalence simple : une partie du tout = le tout). Marcel Duchamp use de cette figure de style non pas comme une facilité de langage, un jeu poétique dada, mais bien comme un mode réthorique et philosophique pour « approcher le réel ».

La synecdoque est une forme de métonymie particulière qui envisage deux aspects d'un même objet en prenant par exemple la partie pour le tout ou le tout pour la partie.
La synecdoque est une Figure de style par laquelle on fait entendre le plus en disant le moins, ou le moins en disant le plus ; on prend le genre pour l’espèce ou l’espèce pour le genre, le tout par la partie ou la partie par le tout.
Il y a la synecdoque généralisante (le tout pour la partie = croissance, expansive qui tend vers l’abstraction.
Il y a la synecdoque particularisante (la partie pour le tout) = décroissante, restrictive qui tend vers le pittoresque.

Chez Marcel Duchamp, la synecdoque est utilisée forcément comme économie, mais aussi comme focalisation (sur un des éléments du tout).
Marcel Duchamp fonctionne à l’économie. Dans sa vie courante, il possède très peu de biens, s’affranchi des meubles, des décors, des objets dans la vie courante, de l’argent même dont il use au minimum de ses besoins immédiats, sans ostentation — se loger, se déplacer. Il parlait peu, de façon concise. ; il écrivait de façon ramassée et précise, en pesant chacun de ses mots. Dans le cadre de sa production artistique, il produit peu d’objets, il produit des textes courts, des « notes » concises, ces formes textuelles réduites, des aphorismes, ces évocations réflexives contractées, des termes conceptuels, cette contraction d’une idée en un seul terme.
Ainsi, Marcel Duchamp est le champion de la synecdoque, comme un moyen économique mais également comme un moyen de focaliser sur un élément précis — ou sur une conjonction d’éléments pour faire référence à l’ensemble. Exemple : les objets « érotiques ; exemple : le nominalisme : un signe se rapporte à l’ensemble, vaut pour l’ensemble dont il fait partie.

Objet dard, 1951. Cette sculpture-moulage est issue de la structure du mannequin d'"Etant donnés..."

La métonymie


La métonymie est une figure de substitution qui consiste à nommer un objet par le nom d'un autre.
Une métonymie est une figure de style qui remplace un concept par un autre avec lequel il est en rapport par un lien logique sous-entendu : la cause pour l’effet, le contenant pour le contenu, l’artiste pour l’œuvre, la ville pour ses habitants, la localisation pour l’institution qui y est installée…

Nous vous proposons de prendre le temps de lire attentivement le texte qui suit et de remplacer nom de « Nahuatl » par celui de « Duchampien·ne ». Vous aurez alors une idée plus précise à quoi se rattache la puissance du système  nominaliste et pictural de Marcel Duchamp.
Face à la condition mortelle de l'homme, les penseurs de diverses cultures ont souvent trouvé consolation dans la perspective d'une vie après la mort. Ce réconfort était refusé aux Mexicas, torturés par leurs incertitudes quant à la destinée de l'âme. « Les fleurs s'en vont-elles au pays des morts ? demandait Nezahualcoyotl. Dans l'au-delà, la mort dure-t-elle ou revenons-nous à la vie ? » La vision de l'existence de la plupart des tlamatinime rejoignait les craintes formulées par Nabokov : « un bref éclat de lumière entre deux éternités de ténèbres ».
La rhétorique nahuatl avait pour singulière coutume de désigner les objets par deux de leurs éléments constitutifs — une espèce de double adjectif homérique. Au lieu de mentionner directement son corps, un poète dira plus volontiers « ma main, mon pied » (noma nocxi), que l'auditeur avisé identifiait comme une synecdoque, de la même manière qu'un Anglais lisant dans un texte le mot « couronne » y reconnaîtra la personne du monarque dans son entier. C’est ainsi que la voix du poète devient « sa parole, son souffle » (itlatol ihiyo). Le double mot pour « vérité » est neltilitzli tzintliztli, soit à peu près « vérité fondamentale, principe vrai de base ». En nahuatl, les mots miroitent de connotations : les choses vraies ont des fondations solides, elles sont stables, inaltérables et éternelles.
Parce que nous autres humains sommes transitoires, et que nos vies ont la nature évanescente d'un songe, les tlamatinime pensaient que la vérité, de par son caractère immuable, restait inaccessible à l'expérience humaine. Sur la terre soumise au changement perpétuel, écrit l'historien mexicain Leon-Portilla, « rien n'est vrai, dans le sens nahuatl du terme », un dilemme qui préoccupait sans cesse les tlamatinime. Comment la créature éphémère pourrait-elle appréhender ce qui dure ? Ce serait comme demander à une pierre de comprendre ce qu'est la mort. 

D'après Leon-Portilla, une échappatoire à cette impasse philosophique a été proposée au XVème siècle par le poète Ayocuan Cuetzpaltzin, qui usa, comme font les poètes, d'une expression métaphorique ; il invoquait l'oiseau coyolli, connu pour le son de clochettes de son chant.
Il voyage en chantant et en offrant des fleurs
Et ses mots sont une pluie
De jade et de plumes de quetzal
Celui qui donne la vie en est-il heureux ?
Est-ce l'unique vérité sur la terre ?
Leon-Portilla souligne que les paroles d'Ayocuan sont difficilement intelligibles en dehors du contexte nahuatl. « Les fleurs et les chants » correspondent au doublet consacré pour faire référence à la poésie, le plus noble des arts ; « le jade et les plumes de quetzal » désignent par synecdoque les « choses de grande valeur », comme un Européen parlerait « d'or et d'argent ». Le chant spontané de l'oiseau symbolise l'inspiration poétique. Ayocuan suggérerait donc qu'il existe une circonstance où l'humanité peut toucher aux vérités éternelles qui sous-tendent nos brèves existences : le moment de la création artistique. « D'où viennent donc les fleurs [les oeuvres d'art] qui enchantent les hommes ? interroge le poète. Les chants qui donnent l'ivresse, les chants de beauté ? » Et il apporte lui-même la réponse : « Elles viennent toutes de la demeure [d'Ometeotl], de la région la plus secrète des cieux. » Pour les Mexicas, il n'y a qu'à travers l'art que l'être humain peut approcher le réel.

1491 Charles C. Mann (Albin Michel 2007) p 146-147


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[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Metaphore
01 - La métaphore désigne une chose par une autre qui lui ressemble ou partage avec elle une qualité essentielle.
02 - La comparaison affirme une similitude tandis que la métaphore la laisse deviner. La comparaison est explicite. Au contraire, dans la métaphore, l'auditeur ou la lectrice doivent reconstituer le sens.
03 - Le contexte est nécessaire à la compréhension de la métaphore. La métaphore étant une figure de l'ambiguïté, le contexte laisse un vaste champ possible d'interprétations, en raison, d'une part, de la disparition des mots supports, et d'autre part à cause de la connotation. (voir figure du « nu »)
04 - Une métaphore courante est un cliché.
05 - Un « trope » est une figure qui consiste à détourner un mot de son sens habituel (ou propre).
06 - La métaphore est un trope, c’est à dire une figure qui consiste à détourner un mot de son sens habituel ou propre.
07 - La métaphore est un procédé rhétorique doté d'une portée argumentative, c'est-à-dire qu'elle vise à rapprocher l'opinion de l'auditeur de celle de l'orateur. Elle suppose la coopération des auditeurs, et des enjeux de persuasion et conviction.
08 - L’intérêt de la métaphore est d'attribuer au sens du terme qu'elle décrit certaines nuances, et pas n'importe lesquelles, qui appartiennent au terme qu'elle lui accole et qu'une simple comparaison ne pourrait expliciter. Ces nuances, ou sèmes, ajoutent du sens au langage. Elle active la polysémie du mot.
09 - L’allégorie rend concrète une idée abstraite. Une allégorie est souvent une métaphore poursuivie dans la longueur d'un texte.
10 - On ne peut pas dire qu'une métaphore soit vraie ou fausse : son interprétation dépend du récepteur. La métaphore s’oppose en cela au discours scientifique qui doit être réfutable, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir prouver qu'un énoncé est soit vrai, soit faux. La métaphore aide à conceptualiser ce qui ne peut pas être compris par la désignation et relevant notamment des sentiments et de la pensée.
11 - La métaphore exprime « l'énigmatique : ce qu'elle dit ne peut être pris au pied de la lettre. Elle est une façon de dire le problématique au sein du champ propositionnel.

[2] « Les images et les reflets sont-ils trompeurs ou révèlent-ils des vérités cachées, cette question platonicienne rejoint une des préoccupations essentielles des humanistes, celle des rapports entre l’obscurité des fictions poétiques et la clarté des vérités philosophiques. Entre conscience et illusion, entre sagesse et ignorance, la duplicité des reflets ouvre la possibilité d’une inversion des valeurs qui accorde les principes de la théologie négative à une théorie mimétique de la connaissance : je me connais si je sais que je ne sais rien, dit Socrate ; je sais que je ne produis que des simulacres, dit le peintre, mais on ne voit jamais si bien le monde qu’à travers un miroir. (Le miroir de la sagesse Françoise Graziani )

[3]
L’usage de l’allégorie tombe en désuétude avec la Renaissance (devant le culte de l’histoire, l’allégorie ne joue plus qu’un rôle épisodique et effacé dans la littérature et dans les arts, donnant parfois naissance à des œuvres académiques ou dérisoires). Depuis, on peut quand même noter ponctuellement l’usage artistique puissant de l’allégorie : Albrecht Dürer avec « la Mélancolie », « le Chevalier et la Mort », etc., Prud’hon représentant « la Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime », Delacroix représentant « la Liberté sur les barricades », Baudelaire dont les fameuses « correspondances » seront souvent mises au service d’une « moralité » du mal. Réussites où l’on retrouve peut-être l’équilibre de la passion et de la raison, du signe magique et de la pensée logique.
(Encyclopédie Universalis 1999)