[COD] De la méthode 2/2

 Complément d'Objet Direct
De la méthode 2/2

Marcel Duchamp use donc de métaphores [*], de métonymies et de synecdotes visuelles récurrentes.
Métaphore pour métaphore, voici celle de l'enquêteur dans la série Mathunt. Une transposition dans le travail d'enquête sur le travail de Marcel Duchamp, et peut-être que les enjeux de la méthode deviennent plus clairs.
De 1978 à 1995, Celui qui était appelé UNABOM (« UNiversity and Airline BOMber ») s'engage dans une campagne d'envoi de colis piégés de manière artisanale à diverses personnes construisant ou défendant la société technologique. Cette campagne d'attentats a duré dix-huit ans, faisant trois morts et 23 blessés avec 16 bombes envoyées.
Série de Andrew Sodroski (2017). Sam Worthington dans le rôle de Jim Fitzerald, Paul Bettany dans le rôle de Ted Kascynski.
La série raconte que Jim Fitzerald, un agent du FBI recherche des moyens pour profiler et trouver UNABOM, jamais démasqué depuis 18 années. Jim Fitzerald, par intuition, se met à effectuer des recherches de linguistique comparée à partir d’un « manifeste » que Theodore Kaczynski, le vrai nom d’Unabomb, a fait publier dans les journaux. Librement dérivée de la réalité, le scénario nous fait partager les doutes, les revers et la logique de construction d’une méthode analytique singulière et inventée au cœur d’un processus expérimental de recherche.



Et voici une transposition dans le domaine de l’étude sur Marcel Duchamp. L'identité des enjeux de la méthode me semble spectaculaire.
— [Celui qui cherche la logique chez Duchamp] C’est un message, un message caché. Ça symbolise quoi ? Ça représente quoi ? Que cherchez-vous à nous dire MD. ?  Qu’asseyez-vous de me dire ?  INFRAMINCE ! Qu’esseyez-vous de me dire MD. ?

— [Celui qui cherche la logique chez Duchamp, aux historiens de l’art réunis dans un colloque] Toutes vos études reposent sur l’hypothèse que Marcel Duchamp était un artiste plutôt dadaïste que la guerre 14-18 a fait fuir à New-York, qu’il a ciblé l’art de son temps et l’a dynamité  par rancune personnelle, c’est ça ?
— [Les érudits historiens de l’art] exact.
— [Celui qui cherche la logique chez Duchamp] Bien, réfléchissons aux readymades. Il ne les vend pas, ne les expose pas vraiment, il ne peut pas réellement s’appuyer sur leur existence publique, il ne satisfait pas sa vanité artistique. Mais ça ne l’empêche pas de continuer. Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas des œuvres d’art. Non, ce sont des objets représentatifs. Le jury qui statuait sur « Fountain » représentait un symbole, au même titre que toutes les cibles qu’a pu prendre FC.
— [Les historiens de l’art] On a épuisé toutes les ressources de l’analyse, de l’histoire de l’art. Ces readymades, ces productions sont choisies au hasard et il n’existe aucun lien entre elles.
— [Celui qui cherche la logique chez Duchamp] Très bien. Alors il met je ne sais pas combien d’années à confectionner, huit années, une œuvre hyper sophistiquée, le Grand Verre et, simultanément, il produit des readymades au hasard de son inspiration ironique et loufoque. Je ne crois pas que ce soit un pur hasard que les différents readymades soient si dissemblables, et je ne crois pas non plus qu’il cite au hasard l’inframince, la postérité, la mariée, l’underground. On conclut au hasard parce qu’on ne sait pas comment les relier. On ne peut pas PARCE QU’ON NE CONNAIT PAS SES CODES ! Et si on ne connait pas ses codes c'est parce qu’on suppose toujours que c’est un artiste vaguement déchu qui est devenu joueur d’échecs, alors qu’il se joue de nous depuis le début.
— [Les historiens de l’art] Nous avons des preuves solides qui confirment qu’il est bien un artiste. Venez voir. Des modèles réduits de la plupart de ses productions réunies dans une valise. C’est un expert en moulage et façonnage de matériaux divers. Et là, regardez ces copies de Fountain de 1966, c’est un copier-coller de la pièce de 1917.
— [Celui qui cherche la logique chez Duchamp] Ça y ressemble si on veut confirmer l’hypothèse que c’est un artiste plasticien, mais si on le regarde objectivement, ce n’est qu’un urinoir. Ça ne vous a pas effleuré que s’il vous échappe depuis près de 100 ans, c’est parce que vous le sous-estimez. C’est un esprit supérieur qui œuvre ici et en plus il a une philosophie forte qui soutend toutes ses actions. Si on comprend sa philosophie, on comprend l’homme et on déchiffre le code, mais pas avec les lieux communs habituels. Il faut repartir de zéro, jetez ça et repartez de zéro.
— [Les historiens de l’art à Celui-celle qui cherche la logique chez Duchamp] Mon ami·e, vous nous brisez le cœur, vous faites parti d’un orchestre de calibre international, avec beaucoup d’instruments, de virtuoses, vous êtes là parmi tous les musiciens. Nous pointons notre baguette vers vous et nous vous disons : c’est à vous. Allez-y, c’est le moment de votre solo. Levez-vous, mettez-y tout votre cœur, que le monde entier vous entende. Mais vous devez jouer la partition que nous vous avons donnée parce que même si vous êtes le petit génie du siècle, mais que vous ne vous accordez pas avec les membres de l’orchestre, nous devrons vous ignorer.

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Transcription de l'extrait de l’épisode 1 de la série Manhunt : Unabomber (2017)
"— C’est un message, un message caché. Ça symbolise quoi ? Ça représente quoi ? Que charchez-vous à nous dire FC ?  Qu’asseyez-vous de me dire ?  PAPA C’EST MOI ! Qu’asseyez-vous de me dire FC ?

— Tout votre profil, il repose sur l’hypothèse que FC était un des mécanos qu’United Airlines a renvoyé à Cincinati, qu’il a ciblé le vol 444 d’American Airlines et Gilles Muray le président d’United pour rancune personnelle, c’est ça ?
— exact.
— Bien, réfléchissons au colis piégé. Il ne les voit pas, ne les entend pas, il ne peut pas visiter le site ou bien voir les corps, il ne satisfait pas son désir de vengeance. Mais ça ne l’empêche pas de continuer. Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas des cibles personnalisées. Non, ce sont des cibles représentatives. Gilles Muray représentait un symbole, au même titre que toutes les cibles qu’a pu prendre FC.
— On a épuisé toutes les ressources de la victimologie. Ces victimes sont choisies au hasard et il n’existe aucun lien entre elles.
— Très bien. Alors il met je ne sais pas combien d’années à confectionner une bombe hyper sophistiquée et il prend des cibles au hasard dans l’annuaire téléphonique. Je ne crois pas que ce soit un pur hasard si ces lettres forment « PAPA C’EST MOI », et je ne crois pas non plus qu’il cible au hasard les avions, les scientifiques, les exploitations forestières, les informaticiens. On conclut au hasard parce qu’on ne sait pas comment les relier. On ne peut pas PARCE QU’ON NE CONNAIT PAS SES CODES !
Et si on ne connait pas ses codes parce qu’on suppose toujours que c’est un mécano furax et pas très malin, alors qu’il se joue de nous depuis le début.
— Nous avons des preuves solides qui confirment qu’il est bien mécano. Venez voir. Des batteries soudées en série dans un boitier métallique comme dans les boitier s d’alimentation des avions. C’est un expert en moulage et façonnage d’aluminium. Et là, regardez, l’interrupteur qu’il a mis au point, c’est un copier-coller de la pièce qui soutient la queue d’un 747.
— Ça y ressemble si on veut confirmer l’hypothèse que c’est un mécano aérien, mais si on le regarde objectivement, ce n’est qu’un interrupteur. Ça ne vous a pas effleuré que s’il vous échappe depuis 17 ans, c’est parce que vous le sous-estimez. C’est un esprit supérieur qui œuvre ici et en plus il a une philosophie forte qui soutend toutes ses actions. Si on comprend sa philosophie, on comprend l’homme et on déchiffre le code, mais pas avec ça. Il faut repartir de zéro, jetez ça et repartez de zéro.
— Fitz, mon ami, vous me brisez le cœur, vous faites parti d’un orchestre de calibre international, avec beaucoup d’instruments, de virtuoses, vous êtes là parmi tous les musiciens. Je pointe ma baguette vers vous et je vous dis : c’est à vous. Allez-y, c’est le moment de votre solo. Levez-vous, mettez-y tout votre cœur, que le monde entier vous entende. Mais vous devez jouer la partition que je vous ai donnée parce que même si vous êtes le petit génie du siècle, mais que vous ne vous accordez pas avec les membres de l’orchestre, je devrai vous renvoyer chez vous. "