Complément d'Objet Direct
De la méthode 1/2
Toute
personne qui se confronte à une tentative d'éclaircissement à propos du
travail de Marcel Duchamp se heurte à une grande dispersion des
informations, à de nombreux récits de compagnonnages individuels, à de
nombreuses interprétations qui confinent parfois au délire, au sentiment
d'être face à des groupes, les "duchampiens", les universitaires, les
historiens de l'art, les critiques qui semblent naviguer à vue et
alimentent souvent l'idée d'un "mystère" Duchamp.
Le
terme d'"énigme" associé à Marcel Duchamp est devenue une excuse.
C''est devenu une solution facile pour dire qu’on n’y comprend rien à
MD. et à sa production. Se retrancher derrière le "mystère" Duchamp
permet de s'exonérer d'une recherche poussée, ou de l'utilisation
d'outils trop conventionnels de recherche ou à l’emprisonnement de
routines intellectuelles et/ou universitaires qui ne permettent pas
d’avancer beaucoup. L'évocation d'une énigme Duchamp permet également à
beaucoup de valoriser des obsessions personnelles et de se servir de MD.
comme alibi,
quand ce n’est pas pour évoquer le fait « qu’on croit savoir » mais
qu'on n'en dira pas plus.
En
résumé : Marcel Duchamp décide de laisser tomber la peinture comme
moyen créatif, imagine une autre façon de réaliser des objets d’art par
l’intermédiaire de sa conception-réalisation du « Grand verre », tout au
long de huit années pendant lesquelles de manière associée, il invente
et décline le principe de readymade. Il imagine, il invente des
formulations textuelles et plastiques pour sa pensée qui devient un
système, puis ne cesse de décliner cette pensée par métaphore, par
métonymie et par auto-citations. Il veille, parallèlement, à ce que ses
productions — pourtant la plupart du temps inconnues du public, presque
jamais montrée, achetée-échangée dans un très petit cercles d’ami·e·s —
soient rassemblées, dans un premier temps par l’intermédiaire de modèles
réduits dans une valise-musée, puis en vrai, dans le musée d’art
moderne de Philadelphie. Marcel Duchamp a mis beaucoup d’attention, à
vrai dire tout son temps et toute son énergie à la mise en œuvre de ce
processus. Why ?
Il s’agissait pour lui — après qu’il ait découvert par l'expérience personnelle (voir dans ce site « l'automate et la spirale ») le phénomène sociologique d’accession des objets d’art au statut d’œuvre d’art à l’époque moderne — de dévoiler ce processus et, par expérience, de l'affronter et le contredire pour lui-même.
Comme tout bon dévoilement, tout est d’abord caché, puis tout se découvre lentement, par parties. J’émets, par hypothèse, que la métaphore sexualisante et érotique sans cesse utilisée par Marcel Duchamp prend tout son sens ici.
Dans ce processus de lent dévoilement du « caché » vers le « montré », MD. use de métaphores [*], de métonymies et de synecdotes visuelles récurrentes, principalement l’érotisme, le machinisme et le changement d’état inframince. Toutes les formes de l’érotisme sont convoquées comme métaphore du dévoilement du système artiste-création-postérité, le machinisme fonctionne comme métaphore de l’enchaînement logique des phases de l’accession des objets d’art au statut d’œuvres d’art reconnues, le changement d’état inframince est utilisé comme métaphore du changement permanent, de l’incertitude constante du statut des choses. Marcel Duchamp ne cessera de décliner ces métaphores en produisant des objets et des installations métonymiques de sa pensée de base.
Il s’agissait pour lui — après qu’il ait découvert par l'expérience personnelle (voir dans ce site « l'automate et la spirale ») le phénomène sociologique d’accession des objets d’art au statut d’œuvre d’art à l’époque moderne — de dévoiler ce processus et, par expérience, de l'affronter et le contredire pour lui-même.
Comme tout bon dévoilement, tout est d’abord caché, puis tout se découvre lentement, par parties. J’émets, par hypothèse, que la métaphore sexualisante et érotique sans cesse utilisée par Marcel Duchamp prend tout son sens ici.
Dans ce processus de lent dévoilement du « caché » vers le « montré », MD. use de métaphores [*], de métonymies et de synecdotes visuelles récurrentes, principalement l’érotisme, le machinisme et le changement d’état inframince. Toutes les formes de l’érotisme sont convoquées comme métaphore du dévoilement du système artiste-création-postérité, le machinisme fonctionne comme métaphore de l’enchaînement logique des phases de l’accession des objets d’art au statut d’œuvres d’art reconnues, le changement d’état inframince est utilisé comme métaphore du changement permanent, de l’incertitude constante du statut des choses. Marcel Duchamp ne cessera de décliner ces métaphores en produisant des objets et des installations métonymiques de sa pensée de base.
[*] Une métaphore, c’est mettre quelque chose à la place de quelque chose d’autre. C’est montrer "ça" et dire quelque chose d’autre que ce qui est montré.
"Le possible impliquant le devenir — le passage de l'un à l'autre a lieu dans l'inframince". Note dans la "Boite Verte" (1934). |
C’est
ainsi qu’il faut comprendre la formidable polysémie du travail de MD.,
les intrications qu’il semble difficile de démêler entre ses réflexions,
la manière dont il mène le cours de sa vie, ses jeux avec les mots, ses
productions à chaque fois différentes, les événements auxquels il
participe et — aussi important, auxquels il ne participe pas.
Car Marcel Duchamp possédait sans doute ce qui est donné à très peu de personnes, la capacité de maîtrise des grandes options intellectuelles aux petits événements de la vie quotidienne, la volonté appliquée en somme, Pour lui, il s’agit d’une lutte permanente de l’immanence contre la transcendance.
Sa pensée et son discours ? Je la formule ici trivialement et très synthétiquement [je mets ces mots dans la bouche de MD.] :
Car Marcel Duchamp possédait sans doute ce qui est donné à très peu de personnes, la capacité de maîtrise des grandes options intellectuelles aux petits événements de la vie quotidienne, la volonté appliquée en somme, Pour lui, il s’agit d’une lutte permanente de l’immanence contre la transcendance.
Sa pensée et son discours ? Je la formule ici trivialement et très synthétiquement [je mets ces mots dans la bouche de MD.] :
« Puisque l’accession au statut d’œuvre d’art des productions d’un artiste semble devoir désormais totalement lui échapper, dans cette ère moderne, je vais essayer, en m’extrayant du système actuel, de fabriquer mon propre système de références et d’imposer, dans le champ de l’art, mon propre statut à la puissance des normes sociales en vigueur ».
« Dans ce nouveau système, il n’y a plus de Dieu — je suis moi-même, seul, le « maitre des horloges », le temps, le hasard, je gère, je ne fais jamais référence à la religion ».
« Dans ce nouveau système, il n’y a plus de guerre — je déserte, je m’exile, je fuis la matérialité de ces guerres du XXème ».
« Dans ce nouveau système, il n’y a plus de spéculation, de marché — je vis de peu, ascète, je ne produis pas pour vendre ».
« Et à ce « nouveau Monde » intérieur devrait pouvoir correspondre une nouvelle façon de représenter le réel — le mouvement, le hasard, la 4ème dimension, le surréalisme, … ».
« Au bout du compte, j’aurais réussi à montrer que l’artiste est en fait le plus fort. C’est l’immanence de l’acte créatif — la création sincère — qui l’emportera sur la transcendance déïste de la société — la religion, le marché, l’amour normés comme croyances ».