Introduction n°2
Marcel Duchamp, l'opportuniste radical
Marcel Duchamp, c’est beaucoup plus fort que ce à quoi on le réduit le plus souvent.
C’est un réel paradoxe que Marcel Duchamp soit si connu, si mondialement reconnu et pourtant réduit tantôt au rôle du « méchant » — celui par qui l’art contemporain, lui-même réduit au « n’importe quoi », aurait triomphé —, tantôt au rôle de personnage incompréhensible, énigmatique — la rareté et l’éclectisme de sa production artistique semblant suggérer « non-sens » et « dilettantisme ».
L’histoire et la critique d’art à enfermé MD. dans une petite cage dorée comme « génial précurseur ». La petite histoire médiatique qui sans cesse répète et recycle toujours les mêmes sources l’a figé dans la figure d’un « sage » vaguement érotisant et assimile ses productions plastiques les plus connues aux productions contemporaines les plus kitsch. (1)
Marcel Duchamp, c’est beaucoup plus fort que ce à quoi on le réduit le plus souvent.
C’est un réel paradoxe que Marcel Duchamp soit si connu, si mondialement reconnu et pourtant réduit tantôt au rôle du « méchant » — celui par qui l’art contemporain, lui-même réduit au « n’importe quoi », aurait triomphé —, tantôt au rôle de personnage incompréhensible, énigmatique — la rareté et l’éclectisme de sa production artistique semblant suggérer « non-sens » et « dilettantisme ».
L’histoire et la critique d’art à enfermé MD. dans une petite cage dorée comme « génial précurseur ». La petite histoire médiatique qui sans cesse répète et recycle toujours les mêmes sources l’a figé dans la figure d’un « sage » vaguement érotisant et assimile ses productions plastiques les plus connues aux productions contemporaines les plus kitsch. (1)
Why not sneeze ? [pourquoi ne pas éternuer ?] Marcel Duchamp 1921, réplique de 1964 |
Mais le domaine de Marcel Duchamp est bien plus vaste et bien plus profond. Il s’étend dans de nombreuses dimensions, — la quatrième n’étant pas la moindre et dans de multiples directions souvent explorées mais peu mises en relations les unes avec les autres.
Bien-sûr, il y a un Duchamp poète, un Duchamp truc, un Duchamp machin et chacun d’entre eux peut être fêté et valorisé. Cependant, par dessus tout, il y a un Duchamp qui anticipe.., un maître des horloges, un manipulateur vertueux (excusez l’oxymore), un opportuniste radical (excusez ce second oxymores), quelqu’un qui fait plonger ses interlocuteurs — et les regardeurs —, là où il l’a lui-même décrêté. La doxa officielle, trop souvent au cœur même de la critique scientifique universitaire, c’est que les actions de Marcel Duchamp seraient fragmentées, de l’ordre de l’ironie, forcément DADA, ce qui induit que lui-même, Marcel Duchamp, s’amusant, ne saurait pas bien ce qu’il a réalisé.
L’objet de ces articles, c’est de montrer, bien au contraire, que MD. a construit un système de pensée cohérent et, le comble, qu’il l’a maîtrisé jusqu’après sa mort. Une des forces — une des formes — de sa pensée, c’est qu’elle était cryptée, comme pour signifier qu’elle n’appartenait qu’à lui. On pourrait presque l’entendre réfléchir : « Je veux tout maîtriser de ma vie ».
C’est le combat d’une vie, celui de l’immanence de l’acte créatif — la création sincère — qui l’emportera toujours sur la transcendance déïste de la société — les compromis sociaux, la religion, le marché, les conventions scientifiques et l’amour normés comme CROYANCES ».
Et c’est ainsi que Marcel Duchamp ne fait jamais référence à la religion.(2) Marcel Duchamp athée, c’est une évidence, il nie l’existence de Dieu ou même de toute divinité. On ne peut même pas dire qu’il se confronte à l’idée même de Dieu ; il voit les religions comme pure construction sociale, et à ce titre, il ne s’y « intéresse pas », comme il a si souvent prononcé cette formule dans les interviews à la fin de sa vie : « ça ne m’intéressait pas ».
Il fait en revanche le tour de force d’évoquer en permanence la spiritualité comme spécificité humaine en convoquant en permanence la prééminence de la pensée sur les aspects matériels et les contingences domestiques et sociales.
Marcel Duchamp est en rupture fondamentale avec la référence platonicienne.
Comme Bouddha et le bouddhisme, il fabrique sa propre religion sans Dieu.
Marcel Duchamp est un EVEILLE.
(1) Il n’est qu’à prendre cet exemple : à l’occasion des 50 ans de la mort de Marcel Duchamp. A Rouen, sa ville natal, commémoration sous forme de la réalisation, dans un cadre associatif local, d’un échiquier géant réalisé avec des objets de rebut. Le problème principal soulevé par cette initiative, c’est qu’elle accrédite la thèse d’un Duchamp brocanteur dont l’intérêt serait qu’il a permis la valorisation, la sacralisation artistique des objets du quotidien. En somme, « prenez des objets du quotidien, agencez-les comme bon vous semble et l’invocation, la référence à Marcel Duchamp, estampillera ce travail comme étant de l’art »
Bien-sûr, il y a un Duchamp poète, un Duchamp truc, un Duchamp machin et chacun d’entre eux peut être fêté et valorisé. Cependant, par dessus tout, il y a un Duchamp qui anticipe.., un maître des horloges, un manipulateur vertueux (excusez l’oxymore), un opportuniste radical (excusez ce second oxymores), quelqu’un qui fait plonger ses interlocuteurs — et les regardeurs —, là où il l’a lui-même décrêté. La doxa officielle, trop souvent au cœur même de la critique scientifique universitaire, c’est que les actions de Marcel Duchamp seraient fragmentées, de l’ordre de l’ironie, forcément DADA, ce qui induit que lui-même, Marcel Duchamp, s’amusant, ne saurait pas bien ce qu’il a réalisé.
L’objet de ces articles, c’est de montrer, bien au contraire, que MD. a construit un système de pensée cohérent et, le comble, qu’il l’a maîtrisé jusqu’après sa mort. Une des forces — une des formes — de sa pensée, c’est qu’elle était cryptée, comme pour signifier qu’elle n’appartenait qu’à lui. On pourrait presque l’entendre réfléchir : « Je veux tout maîtriser de ma vie ».
C’est le combat d’une vie, celui de l’immanence de l’acte créatif — la création sincère — qui l’emportera toujours sur la transcendance déïste de la société — les compromis sociaux, la religion, le marché, les conventions scientifiques et l’amour normés comme CROYANCES ».
Et c’est ainsi que Marcel Duchamp ne fait jamais référence à la religion.(2) Marcel Duchamp athée, c’est une évidence, il nie l’existence de Dieu ou même de toute divinité. On ne peut même pas dire qu’il se confronte à l’idée même de Dieu ; il voit les religions comme pure construction sociale, et à ce titre, il ne s’y « intéresse pas », comme il a si souvent prononcé cette formule dans les interviews à la fin de sa vie : « ça ne m’intéressait pas ».
Il fait en revanche le tour de force d’évoquer en permanence la spiritualité comme spécificité humaine en convoquant en permanence la prééminence de la pensée sur les aspects matériels et les contingences domestiques et sociales.
Marcel Duchamp est en rupture fondamentale avec la référence platonicienne.
Comme Bouddha et le bouddhisme, il fabrique sa propre religion sans Dieu.
Marcel Duchamp est un EVEILLE.
(1) Il n’est qu’à prendre cet exemple : à l’occasion des 50 ans de la mort de Marcel Duchamp. A Rouen, sa ville natal, commémoration sous forme de la réalisation, dans un cadre associatif local, d’un échiquier géant réalisé avec des objets de rebut. Le problème principal soulevé par cette initiative, c’est qu’elle accrédite la thèse d’un Duchamp brocanteur dont l’intérêt serait qu’il a permis la valorisation, la sacralisation artistique des objets du quotidien. En somme, « prenez des objets du quotidien, agencez-les comme bon vous semble et l’invocation, la référence à Marcel Duchamp, estampillera ce travail comme étant de l’art »
(2) ou si peu dans quelques rares témoignages relatant des discussions d’ordre privé.